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« Dans la rue les
silhouettes sont de plus en plus grossières, épaisses, simplifiées. Fini les
courbes épousées pour le meilleur et parfois le pire par des fibres légères,
pleines de volupté. Les mains des gens disparaissent dans leurs poches,
l’automne est là. En traversant un parc, je laisse mes yeux contempler la
collection éphémère dont Dame Nature a revêtu les arbres, flamboyante et
volatile.
Perdue dans mes pensées, hypnotisée
par le tourbillon que décrivent les lambeaux de peau arrachés par le vent à ces
victimes placides, je suis percutée par une jeune femme à vélo. Le choc n’est
pas violent, nous sommes à pied, mais mon nez fait tout de même connaissance de
façon approfondie avec son épaule. Lors de la collision, la jeune femme d’un
bon mètre quatre-vingt laisse échapper son smartphone qu’elle tenait d’une main
fébrile en conduisant. Il se brise dans un bruit sec et court.
Au regard effaré qui m’est adressé, je m’apprête par
politesse à présenter des excuses mais je n’en ai pas le temps. Telle une harpie, cette cycliste
du dimanche se met à hurler comme une hystérique, prenant la foule (deux
promeneurs étrangers et un jeune jogger plutôt mignon) à parti. Tentant d’abord
de comprendre ce qui se passe, je perds mon sang froid lorsque la pimbêche se met
à m’insulter et à me demander de lui rembourser son téléphone. Me retenant de
gifler mon interlocutrice, et frottant mon nez de plus en plus douloureux, je
comprends enfin ce qui vient de se passer. Cette andouille faisait du vélo hors
de la piste cyclable tout en téléphonant. Considérant que le monde lui
appartenait, elle est partie du principe que les autres membres de l’espèce devaient
prendre en considération la moindre de ses trajectoires pour éviter de la
ralentir.
Le fait qu’elle roule hors de la
piste cyclable, je m’en moque. Combien de fois ai-je moi-même circulé hors des
voies autorisées comme disent les agents de la paix. Je ne fais pas non plus de
leçon de morale quand au téléphone. Ce qui me chatouille un peu, c’est que
quand on est une asperge blonde de presque deux mètre dont les cuisses sont
épaisses comme des aiguilles à tricoter, et qu’on pédale en talon de 13
centimètres, mieux vaut être un peu attentif. Il faut vraiment avoir le Q.I
d’une brosse à toilette pour ne pas être fichue de regarder où l’on va. Et ce
n’est pas la peine de me regarder avec les sourcils froncés et une bouche
pleine de gloss en cul de poule. Persuadée de sa supériorité, cet épouvantail
de défilé croit m’impressionner en me fusillant du regard. Je décide alors de
m’en aller sans dire un mot, en collant mon propre smartphone à mon oreille de
façon un peu démonstrative en guise de petite vengeance…
Je suis tombée sur une vraie fleur, une pouf
de luxe. Le genre « pèlerin de la rue Montaigne », enveloppe
corporelle européenne, habitude de consommation des hautes classes asiatiques,
éducation des banlieues françaises défavorisées, moyens illimités. Niveau de
pitié pour les malheurs du monde, 0. En même temps, c’est aussi le niveau de
conscience qu’il y existe un monde autour d’elle !
Vous en connaissez peut-être,
vous en avez sûrement déjà croisé. Elle
se décline en une multitude de modèle, tous aussi insupportables les uns que
les autres, et son arme de dissuasion favorite est le caprice (niveau
professionnel). J’ai encore le temps de refaire sa garde-robe alors je suis
restée soft, mais je me doute qu’au détour de vos propositions, j’aurais
l’occasion d’écorner un peu plus l’image de femme du monde qu’ont les naïfs de
cette poupée infernale. »
Eloïse. H
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